À partir du 7 octobre 2023, acheter un livre en ligne et le faire livrer en France coûte trois euros de plus. Cette loi vise à protéger les librairies françaises qui souffrent de la concurrence d’Amazon.

Ces frais supplémentaires s’appliquent aux commandes inférieures à 35 euros ou aux commandes supérieures à 35 euros lorsque les livres sont toutefois expédiés séparément. Prenons un exemple pour comprendre : si j’achète en ligne un livre dont le prix de couverture est de 17 euros, le prix final pour moi, lecteur/consommateur, sera de 20 euros. Si j’achète trois livres à 17 euros, le prix total de la commande sera de 51 euros, donc supérieur au plafond de 35 euros. Or, si les trois livres sont expédiés ensemble, je paierai effectivement 51 euros, si les trois livres sont expédiés séparément – comme le font la plupart des librairies en ligne – je paierai 51 + 3 + 3 + 3 euros : 60 euros.

Cela devrait rendre l’achat de livres en ligne moins avantageux et pousser les Français à se rendre dans un magasin physique.

Et pour ceux qui, comme moi, achètent des livres en anglais en ligne auprès de revendeurs indépendants (je n’achète plus sur Amazon depuis une dizaine d’années, pour des raisons éthiques) qui expédient les livres séparément pour des raisons logistiques, le coût devient insupportable et il n’y a pas d’alternative.

En fait, non, il y en a : la première est de revenir à l’achat sur Amazon lui-même, où il est certainement plus facile de rassembler tous les livres en une seule commande et d’annuler ainsi l’effet de cette (mauvaise) loi. L’autre, que je ne mentionne bien sûr qu’à titre d’hypothèse, est de recourir au piratage.

J’ai fait un premier test en simulant un achat en ligne : deux plateformes indépendantes indiquent que pour chaque livre il y aura 3 euros de frais supplémentaires (même au-delà du plafond de 35 euros prévu par la loi), Amazon par contre vous invite à ajouter des achats pour un montant suffisant pour éviter les 3 euros supplémentaires.

Où est-ce que les consommateurs vont-ils se tourner ?

Il est vrai que des services tels que Prime d’Amazon ont habitué les clients à passer des commandes sans se soucier des frais de port, mais attendre quelques jours et ajouter un ou deux titres pour tout recevoir en un seul envoi sans frais supplémentaires sera une nouvelle habitude facile à prendre, je peux imaginer.

J’ai contacté le service clientèle des librairies britanniques auprès desquelles j’ai acheté la plupart de mes livres ces dernières années pour savoir s’ils pouvaient envoyer plusieurs livres en un seul envoi. Je mettrai à jour cet article avec leurs réponses.

[Mise à jour 21 octobre 14:10] Les deux librairies en ligne que j’ai contactées m’ont indiqué que les livres sont expédiés séparément et qu’elles ne peuvent pas trouver de solution aux problèmes posés par la nouvelle loi française. [/mise a jour]

Nous pouvons dire que le monopole d’Amazon a été rendu possible par le manque de volonté du législateur (je pense en particulier aux États-Unis, mais pas seulement). Avec une loi comme celle qui vient d’entrer en vigueur en France, non seulement le monopole n’est pas touché mais il continue à prospérer avec toute l’exploitation que cela implique ; les effets sur les librairies risquent d’être faibles et les surcoûts se répercuteront inévitablement sur le consommateur/lecteur.

Un modèle parfait de ce que Cory Doctorow appelle “enshittification“, c’est à dire le modèle du capitalisme néolibéral à l’ère numérique. Avec l’aide de l’État (français, dans ce cas).

Ce billet a été publié aussi sur Le Club de Mediapart.